Le musée de l’Homme possède trois œuvres de l’artiste sénégalais, Bassirou Sidy N’diaye dit Bass, dons de Monique Camus en 2017. Ces œuvres présentent un intérêt certain puisqu’elles présentent des thématiques en accord avec l’objectif du musée de l’Homme qui est la compréhension de l’évolution de l’Homme et des sociétés en croisant les approches biologiques, sociales et culturelles.

 

Trois thèmes fondamentaux de la culture humaine sont mis en avant par l’artiste dans ses œuvres. A travers la représentation d’une maternité, Femme qui allaite l’artiste célèbre la femme et le pouvoir qui lui est accordé, celui d’enfanter. Il met en avant le devoir de la femme de perpétuer la lignée, devoir encore plus important en Afrique où les femmes qui ne deviennent pas mères sont mal perçues par la société. Puis dans les Pêcheurs lébous, il évoque avec la pêche le besoin de se nourrir. L’alimentation est régulée par un marché dont dépend la survie de la population et auquel participent les pêcheurs lebous. Après avoir partagé la pêche, les hommes remontent la plage afin d’aller vendre les prises du jour. Si autrefois les pêcheurs se contentaient des poissons pêchés pour nourrir leur famille, aujourd’hui ils sont obligés de s’insérer dans le système monétaire actuel en vendant le fruit de leur pêche pour subvenir à leurs besoins. Les pêcheurs lébous montre bien l’évolution de la manière de subvenir à un besoin primaire : se nourrir. Enfin, Le Grand Maghal aborde un fait culturel, produit par l’homme, la religion. L’œuvre représentant une scène de départ ou de retour de pèlerinage prouve que la pensée a la capacité de déplacer les populations. Ces croyances sont intrinsèquement liées à l’identité d’un peuple et il n’est plus possible de s’en défaire sous peine de faire perdre au peuple ce qui le définit. Ainsi, ces trois scènes relevant d’une observation attentive de la vie quotidienne visent à définir ce qu’est l’être humain. Ces œuvres s’inscrivent donc dans le droit fil de la pensée du musée de l’Homme.

 

Les œuvres de Bass se distinguent également au sein des collections du Muséum par les matériaux employés, le sable et l’encre de Chine. Matériau inhabituel dans la création artistique, universel, le sable est le témoin des transformations du milieu environnant dans lequel évolue l’artiste et les peuples qu’il représente. Grâce à la combinaison du sable, matériau local et issu de la nature et de l’encre de Chine, préparation culturelle conçue par l’Homme provenant d’Orient, d’Inde ou de Chine, Bass invite à repenser les rapports entre nature et culture en leur donnant un nouveau sens. Ses œuvres dépassent le strict cadre imposé par les Beaux-arts et méritent un regard neuf ne se limitant pas aux simples qualités plastiques de l’œuvre.

 

Par ailleurs, un message sous-jacent beaucoup plus profond est délivré par l’artiste par l’emploi du sable collecté au large des plages de Gorée. Bass tend à rappeler l’histoire tragique de l’île, lieu de la traite négrière où il a été guide. L’artiste engage une réflexion sur la transmission et le passage des générations et invite à ne pas oublier ce traumatisme dont la plaie demeure encore ouverte pour les familles qui en ont été victimes.                                                           

                                                                           Alys Bruneau