Le sable, élément intemporel

A l'envers du verre

Visage de femme. 1999 fixé sous verre, encre de Chine et acrylique 21 x 20 cm
Visage de femme. 1999 fixé sous verre, encre de Chine et acrylique 21 x 20 cm

Voyez le peintre, assis en tailleur, tenant d’une main sa plaque de verre, de 2 ou 3 mm d’épaisseur et pouvant atteindre 60 centimètres -qu’il aura préalablement nettoyée, dégraissée- et de l’autre son outil, le pinceau, la plume …. Le voici prêt. Silence. Il se met à dessiner les contours du motif, à l’envers du verre, contrôlant dans un aller et retour incessant entre le dessous et le dessus le résultat de son tracé. Il lui faut aller vite, avant que la peinture ne sèche, ordre inversé qui ne supporte aucun repentir. Car il lui faut également travailler à rebours, ce qui apparaît en surface est ce qui est peint en premier, toujours visible, bien que recouvert par les différentes couches de peintures qui vont se succéder, en aplat de couleurs, donnant son harmonie à l’œuvre. Regardez apparaître sous vos yeux l’endroit d’un visage, d’une scène villageoise, d’une image populaire.

Enfin vous pourrez observer le peintre, « ficeler » son souwère, c’est-à-dire passer une dernière couche qui va recouvrir l’ensemble de la plaque de verre, et la protéger.

Mais quelle est idée sous-jacente à la peinture souwère? Le mot clef est transparence. Le tableau est vu par transparence. Ainsi est magnifiée la pureté du verre et les couleurs brillent de tout leur éclat, ni couche d’air, ni poussière ne pouvant s’interposer entre eux.

 

Bassirou Sidy N’Diaye est allé au-delà de la technique traditionnelle du souwère. Il parlait du verre comme « d’un support comme tous les autres ». Celui qu’il avait à sa disposition à Dakar. Il travaillait à l’encre de Chine des figures en noir et blanc souvent rehaussées du bleu qu’il affectionnait. Il utilisait l’acrylique noir et blanc pour travailler les ombres, il grattait l’encre pour l’effet, travaillait au doigt pour parfaire le modelé d’un visage, inventait sans cesse. Et il utilisait le sable qu’il ramassait sur l’île de Gorée, le verre dont est issu le sable et auquel il a donné une dimension tout à fait singulière.

Il aimait parler du « verre, mémoire et miroir ». Mémoire de l’histoire de son pays fixée sous le verre, miroir inaltérable de cette mémoire qu’il nous donne aujourd’hui à voir.